La géométrie empirique
Sur le travail d’Amélie PM exposé au Transient Festival en 2014 Au cours de son initiation, Amélie Petit Moreau fréquente de nombreux établissements. De ses apprentissages de dessinateur technique puis d’architecte intérieure, elle acquiert le goût de la construction.
À Varsovie, à l’Académie des Beaux-Arts, elle pratique « l’œuvre au noir » ; des journées entières passées dans l’atelier souterrain de gravure, à composer des formes géométriques : rayures, losanges, plis, arrêtes, réseaux… à arpenter la ville, les marchés aux puces, où son œil de photographe capture, des images, à l’aide d’appareils rudimentaires. Au fil des heures, sous les cylindres des presses de taille-douce alignées au sous-sol, naît un bestiaire de formes à l’encre d’imprimerie : surfaces rayées, orthogonales, symétriques, pliées, dépliées, fantomatiques.
L'étude des déformations spatiales par des transformations continues porte un nom: topologie, étymologiquement étude du lieu. Cette branche des mathématiques exige une intuition aigüe de l'espace et un effort cérébral énorme. Ses adeptes transforment mentalement des bretzels en tasse à deux anses ou retournent des sphères, par déformation, sans déchirement ni collages. On peut dire qu'Amélie la pratique à l'état brut, concrètement. Sous ses mains, un scanner peut transformer un losange en feuille de chêne. Par un tour dont elle garde le secret, il peut aussi franger de raies RVB la moitié des rayures noires d'une épreuve, laissant les autres intactes. Changements d'échelle, étirements, encore sous forme numérique, le bestiaire polonais parvient à maturité. Xerolino naît enfin sur papier, à l'encre pigmentaire, avec le soin attentif et jaloux de la photographe qui assiste elle-même à ses tirages
Rogelio Egbert